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La France d’après – Contribution de la Fédération PS des Hauts-de-Seine, Atelier Europe

La Fédération du Parti Socialiste des Hauts-de-Seine a souhaité organiser une réflexion collective des militants pour répondre à l’initiative prise par le Parti socialiste pour réfléchir à la « France d’Après ». 

Cette contribution fédérale n’est pas un aboutissement, mais un point de départ : désormais entre les mains des militants, elle doit vivre et nourrir nos débats. Et cette contribution est aussi notre apport au nécessaire débat à conduire avec nos partenaires de gauche et écologistes pour construire concrètement la « France d’Après ».

Dans cet article, vous retrouvez la contribution de l’Atelier Europe.

L’Europe de la santé

1. La santé n’est actuellement pas un des domaines de compétences de l’UE. Doit-elle le devenir ?

Les participants considèrent que ce n’est pas la voie à prendre. A ce stade, la « santé publique » est une compétence partagée, mais la « santé humaine » reste un domaine où l’action de l’UE ne peut intervenir qu’en complément de celle des Etats membres. La santé humaine a un rapport à la vie et à la mort. Le potentiel de désamour pour l’UE est trop fort. Un gouvernement qui est élu par son peuple semble plus proche des souhaits de sa population. Un des exemples est le droit de mourir dans la dignité : c’est typiquement le genre de sujet qui est difficilement transférable au supra-national, et doit être traité par les représentants directs du peuple.

En revanche, l’effort européen au niveau recherche médicale et recherche de vaccins doit être renforcé, de même que la coordination de plans de prévention. Ces recherches sont certes pour la plupart menés par des entités privées (laboratoires pharmaceutiques) mais en liaison avec les structures de santé de chaque pays (hôpitaux).

Les fonds mis à disposition par l’UE dans le cadre du Plan de relance pour l’Europe (750 Mrds €) doivent être fléchés notamment pour assurer le financement de la recherche médicale en Europe, mais aussi pour améliorer l’état de la santé publique en France et dans les pays qui ont souffert des mesures d’austérité de la dernière décennie.

Apparemment, le programme « EU4Health » sera lancé dès le mois de Juin 2020. Il sera doté de 9,5 Mrds €, un progrès important comparé à l’actuel budget communautaire (400 M €). Il comportera :

  • Un volet de réserve stratégique de matériel médical,
  • Le renforcement du programme « Horizon Europe » de soutien à la recherche.

Pour rappel, l’UE dispose quand même d’un commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire, c’est actuellement la Chypriote Stella Kyriakidou (PPE).

Elle dispose aussi d’une agence appelé « Centre européen de prévention et de contrôle des maladies » (ECDC). Créée en 2005, sa mission est, selon son site internet, de « renforcer la protection contre les maladies infectieuses en Europe ». Pas très présente sur le plan médiatique, son rôle apparaît davantage comme coordinatrice des informations (statistiques, articles de recherche, etc.)

.2. Comment l’UE aurait-elle pu aider les Etats-membres dans la crise sanitaire ?

L’UE a paru faible dans la lutte contre le virus. La commissaire européenne à la santé ne s’est visiblement pas emparée de son portefeuille pour essayer d’installer une coordination dans la lutte sanitaire.
Deux opinions divergentes sont exprimées :

  • L’action de l’UE a bel et bien existé, mais n’a pas été vue et entendue. C’est la cacophonie des différents chefs des exécutifs qui a été dominante. D’une façon plus indirecte (car sur le plan financier), la BCE et la BEI ont tenu leur rôle. La décision a été prise au niveau de la Commission européenne de ne plus exporter du matériel médical en dehors de l’UE.
    Elle a aussi assuré la libre circulation des marchandises, facteur sanitaire et économique important (médicaments, produits alimentaires). Dans l’ensemble, on ne peut pas reprocher à l’UE de ne pas avoir agi.
  • L’action de l’UE a été décevante. Par manque de coordination, les pays se sont repliés sur eux-mêmes. Il y a eu un manque de prévention et de solidarité. L’UE aurait dû émettre des recommandations concernant les mesures sanitaires. La panique a prévalu, tant au niveau des Etats qu’au niveau de la gouvernance européenne. A noter un déficit de communication de la Commission européenne et/ou de relais par les médias nationaux.
  • Remarque : le comportement de la Suède, pays membre de l’UE, montre qu’il y a eu absence totale de coordination des mesures – la Suède ne pratiquant pas le confinement comme mesure principale, contrairement à la quasi-totalité des autres pays-membres. 
    Mais ce point renvoie au point 1. : les populations auraient-elles accepté des mesures aussi dures si elles avaient été préconisées par l’UE ?

3. Avons-nous eu raison de fermer les frontières ? Est-ce que Schengen est mort ?

L’opinion prédominante est que la fermeture des frontières était inévitable. Les populations n’auraient pas compris qu’on continue bouger à travers l’Europe alors que le confinement était installé.

La peur du virus a changé les comportements : la sécurité à prévalu sur les libertés publiques. En même temps, on a pu voir que la circulation des personnes et des travailleurs est une véritable liberté qui vaut la peine d’être défendue.

Par conséquent, on a pu comprendre que les souverainistes avaient eu le dernier mot. Les frontières à l’intérieur de l’Europe se ferment en réalité à chaque fois qu’il y a un grave problème à affronter : il y a déjà eu la vague terroriste et la crise migratoire. La suspension de Schengen est quasi-permanente sur quelques frontières (ex frontière franco-italienne).

Les Etats reprennent leurs prérogatives régaliennes (police, justice) quand les populations sont menacées. Difficile à dire si et comment cela pourrait changer (voir mesures de réciprocité annoncées entre le Royaume-Uni et la France par exemple).

La relance économique peut-elle venir de l’Europe ?

1. Suffit-il de lancer des vastes programmes de fonds européens pour relancer la machine ?

Le budget européen proposé pour le cadre financier pluriannuel (déployé entre 2021 et 2027) sera de 1 850 Mrd€, c’est-à-dire un doublement par rapport à la période 2014-20. Aux contributions habituelles des Etats s’ajouteront :

  • Un endettement de l’UE en tant qu’entité juridique (c’est une première !) de 750 Mrd€
  • L’augmentation de « ressources propres » de l’UE (taxe carbone aux frontières, taxe GAFA, etc.). 

Ces nouveaux outils éviteront aux Etats européens de creuser leur dette publique. La France, à titre d’exemple, recevra presque 40 Mrd€ sous forme de subvention, sans remboursement dédié.

Les Etats les plus bénéficiaires en valeur absolue sont l’Italie, l’Espagne, la Pologne.

Il ne faut par ailleurs pas oublier les programmes préalablement annoncés : la BCE (750 Mrd€ de rachat de dettes), la BEI (200 Mrd€ de prêts pour les entreprises), le MES (240 Mrd€ d’aide aux Etats) et le mécanisme de réassurance chômage européen (100 Mrd€).

Dans l’ensemble, et même s’il faudra évaluer ultérieurement si ces montants suffiront, l’UE a montré qu’elle était capable de réagir. C’est un progrès par rapport à la crise financière de 2008.

Le retour à la normalité va prendre plusieurs années. La mutualisation est un grand pas en avant, et elle était indispensable. L’Allemagne a fini par reconnaître que la survie de l’Europe était en jeu. Quelques pays, les « frugaux », restent sceptiques, mais, même si des concessions leur seront faites, la tendance est positive.

Les aspects financement et mutualisation étant réglés, il faut aussi et surtout se pencher sur la question : des fonds supplémentaires, mais pour quoi faire ?

Ce qui nous paraît indispensable est :

  • L’amélioration des services publics dans les pays-membres (santé, éducation, recherche, etc.)
  • Le financement de grands projets, sur le modèle d’Airbus (avec leur rentabilité propre si possible, v. question 2), par exemple dans le spatial.
  • La relance de l’emploi (les plans sociaux des multinationales sont et seront nombreux)
  • Le soutien du tissu associatif et de l’économie sociale et solidaire, facteur de lien social et outil de réconciliation des citoyens avec l’Union européenne.

2. Une relance économique verte est-ce vraiment possible ?

La relance devra être verte : cela signifie qu’on favorisera les secteurs industriels qui n’émettent pas de CO2, ou le moins possible. Pour le secteur automobile, cela devrait signifier qu’on favorisera les véhicules électriques et à hydrogène. Or, la fabrication de ce type de véhicule nécessite beaucoup moins d’emplois que les voitures à combustion. La relance verte sera-telle pauvre en création d’emplois ?

Des initiatives européennes (franco-allemandes et au-delà) devraient permettre de hisser l’Europe à un niveau important en matière de fabrication de batteries, matériaux composites, recyclage de déchets automobiles. En investissant dans ces filières de façon mutualisée, on peut espérer limiter la casse en matière de destruction d’emplois. Il ne faut pas se faire d’illusions : dans d’autres domaines liés à l’automobile (fonderie, maintenance), les destructions d’emplois seront considérables.

3. Comment s’assurer que les plus modestes profitent de cette relance ?

La crise sanitaire a exacerbé les inégalités, pas seulement en France. Ainsi, une relance européenne doit impérativement s’attaquer au problème des inégalités.

Cependant, les problèmes et questionnements sont multiples :

  • Les salaires des salariés « de la 2ème ligne » du secteur privé ne pourront pas être augmentés (pression concurrentielle, etc.).
  • Faut-il augmenter les transferts sociaux ? Il ne faut pas oublier que la convergence recherchée sur le plan social (entre les Etats européens) est une priorité pour l’Europe. A ce titre, la France est déjà parmi les pays qui redistribuent le plus.
  • Il faut veiller à favoriser les régions sous-développées ; la puissance publique doit utiliser sa manne financière pour obtenir une plus grande homogénéité sociale, et si possible au plus près des individus (« territorialisation »).
  • Il faut exercer un contrôle efficace sur l’utilisation des fonds
  • Il ne faudrait pas que les bénéficiaires des fonds soient des multinationales qui vont licencier.

L’Europe sociale, slogan ancien et récurrent de notre famille politique, doit devenir une priorité.

De plus, il faut que cette Europe sociale soit accompagnée d’un meilleur dialogue social. On peut obtenir une plus grande convergence européenne aussi dans ce domaine, au travers de directives européennes (rappel « Socle européen des droits sociaux » adopté par le Conseil européen lors du Sommet social de Göteborg du 17/11/2017, à retrouver ici : https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/social-summit-european-pillar-social-rights-booklet_fr.pdf).

Quel avenir pour la ligne socialiste/sociale-démocrate en Europe ?

1. Rapport des forces en Europe (histoire et situation actuelle)

Notre famille politique (S&D) a toujours été la 1ère ou 2ème force du parlement européen (PE). Elle était 1ère force au moment du premier suffrage universel en 1979, mais la droite (PPE) lui est passée devant 20 ans plus tard, aux élections de 1999, et est depuis, la 1ère force sans discontinuité.

Actuellement, le S&D compte env. 21% des députés du PE, contre env. 26% pour le PPE. Au niveau du PE, nos idées sont donc en recul.

Ce recul se constate également au niveau des grands pays européens, et ce, depuis le début des années 2000. Cependant, la droite classique recule également. Ce sont l’extrême droite, les partis populistes mais aussi les partis verts qui se renforcent. Globalement, on peut conclure que nos idées ne reculent pas, mais que c’est notre organisation qui connaît un désamour.

Sur le plan institutionnel européen, le PSE n’est certainement pas le phare des idées progressistes qu’il pourrait être. Son dernier grand leader était le Danois Poul Rasmussen (2004-2011), depuis, l’importance et le rôle du PSE auprès des militants socialistes dans les différents pays sont très diminués. Certaines de ses idées (le Manifesto, programme commun de notre famille politique à chaque élection européenne) restent, mais sont petit à petit vidées de leur substance.

Le PSE ressemble plus à une agrégation de partis nationaux où chacun conserve un certain pouvoir et ne consent qu’à un Président faible ; il conviendrait que le PSE soit plus démocratique : cela passe par un vote des militants du PSE, donc des partis nationaux membres, sur la définition de notre ligne au niveau européen a minima (avec le risque d’une ligne moins à gauche que celle du PS : cf. Manifesto), voire sur la désignation du Président du PSE.

Ces critiques étant posées, les autres partis (et notamment le PPE) sont encore moins influents auprès de leurs militants. La difficulté pour nos idées réside aussi et avant tout dans le fait que nous ne sommes majoritaires ni au PE, ni dans les Etats membres.

Nous constatons que les pays anciennement communistes (pour la plupart membres de l’UE depuis 2004) pèsent en défaveur de nos idées. L’anti-européanisme y est, depuis quelques années, très présent. Les populations sont parfois désenchantées, parfois nostalgiques du communisme, parfois encore susceptibles d’épouser des positions autoritaristes. Dans un premier temps, ces pays voulaient surtout sortir de la misère économique. Dans un deuxième
temps, ils ont profité de la solidarité européenne et ont accédé à un niveau de vie moyen parfois impressionnant (par ex en Pologne). L’espoir viendra peut-être des générations plus jeunes qui pourraient un jour changer la donne.

Le PSE est confronte a un dilemme : être présent dans tous les Etats membres, au prix de « brebis galeuses », ou faire la chasse a ces dernières au nom de nos valeurs et perdre en influence dans les pays les moins europhiles.

2. Y-a-t-il un déficit démocratique en Europe ?

La question de la légitimité a été débattue pendant longtemps dans les milieux européens.

Des améliorations ont été apportées, notamment depuis le Traité de Lisbonne (2007), et les pouvoirs du PE renforcés. Cependant, la légitimité démocratique ne se trouve pas qu’au PE. Le Conseil européen est également un organe légitime, puisqu’il se compose des chefs de gouvernement/d’Etat démocratiquement élus.

A ce titre, nous ne faisons pas partie de ceux qui considèrent que c’était une catastrophe de ne pas avoir nommé Président de la Commission un des candidats mis en avant par les familles politiques: les Traités prévoient en effet que le Président de la Commission européenne est élu « en tenant compte du résultat des élections » et non pas obligatoirement la tête de liste de chaque parti au PE.

Le premier facteur de « déficit démocratique » demeure néanmoins le taux d’abstention élevé : sans doute lié à une incompréhension à l’égard du fonctionnement de l’UE, il pourrait être le prélude ou l’expression d’un désintérêt, ce qui serait plus grave pour la construction européenne. Ceci étant dit,
on peut parler aussi de déficit démocratique au plan national, tant l’abstention, voire le rejet de la démocratie représentative, progressent.

Nous continuons également à considérer qu’une meilleure connaissance de l’Europe et une bonne compréhension de son fonctionnement sont indispensables pour que la France joue un rôle plus actif et davantage démocratiquement légitimé. Une plus grande présence des questions européennes dans les médias français et dans les programmes scolaires et universitaires restent une revendication forte.

L’idée des listes pan-européennes nous divise : cela pourrait être un outil intéressant pour rapprocher les élus européens sans distinction selon leur nationalité. Cela pourrait aussi amener plus de débat au niveau européen. L’argument contre est que les électeurs risqueraient de ne pas considérer ces candidats comme leurs représentants et/ou que la place des élus français sur ces listes trans-européennes peut devenir un critère de désaffection.

Nous voyons comme principal vecteur de démocratisation une plus grande
« territorialisation » : pour se sentir européen, nul besoin de s’identifier aux institutions de Bruxelles. Les « euro-régions » sont un bien meilleur moyen pour rapprocher le citoyen de l’Europe.

Les financements de travaux et œuvres par l’UE doivent aussi être davantage mis en avant (par des panneaux, plaques, mais peut-être aussi de façon dématérialisée), pour rappeler aux populations qu’il s’agit là d’un effort commun des Européens.

3. Quel doit être le rôle de l’Europe dans le monde ?

L’UE à sa création avait une place claire : dans la guerre froide, elle était certes ancrée à l’Ouest, mais était néanmoins considérée comme une voie médiane (v. par ex. l’Ostpolitik menée par le chancelier Willy Brandt ou la sortie de l’organisation militaire de l’OTAN par le Général de Gaulle). Aujourd’hui aussi, elle doit affirmer sa place de puissance modératrice.

Les autocrates veulent dénier son droit légitime de puissance mondiale à l’UE, mais le marché économique et commercial de l’UE (le plus grand au monde) est trop grand pour qu’on ait besoin de céder aux chantages divers. En outre, notre monnaie unique, protégée par l’action de la Banque Centrale Européenne comme démontré depuis 2008, nous confère un poids incontournable dans la mondialisation (cf. poids dans les réserves mondiales et les échanges
commerciaux).

Nous devons nous affirmer, face aux USA, à la Russie, à la Chine, et aussi face aux puissances intermédiaires que sont la Turquie et Israël.

L’épisode du Brexit a démontré que nous sommes capables de réagir de façon unie. L’attitude que nous devrions adopter vis-à-vis des GAFAM (en les taxant) serait une autre bonne occasion de « montrer nos muscles ». Rappelons ici que l’UE est une union douanière au regard du droit du commerce international : elle est donc légitime à opposer des obstacles tarifaires ou d’autre nature à l’entrée sur son territoire des marchandises hors-UE.

L’UE est une « soft power », il faut se servir de notre puissance économique et culturelle. La même chose s’applique au niveau commercial : on ne veut pas vivre en autarcie, au contraire, car nous dépendons de l’accès à des ressources extérieures à notre territoire européen mais on doit davantage peser sur les négociations internationales (traités de libre échange). C’est un sujet européen par excellence : La politique commerciale de l’UE est une politique commune et le mandat de négociation de la Commission européenne est déterminé par les Etats
membres au sein du Conseil.

Atelier Europe
Coordinatrice et Coordinateurs : Elisabeth Humbert-Dorfmuller, Philippe Berree, François Litwinski,
Participant·e·s : Jean-Michel Tisseyre, Corentin Njee

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