La Fédération du Parti Socialiste des Hauts-de-Seine a souhaité organiser une réflexion collective des militants pour répondre à l’initiative prise par le Parti socialiste pour réfléchir à la « France d’Après ».
Cette contribution fédérale n’est pas un aboutissement, mais un point de départ : désormais entre les mains des militants, elle doit vivre et nourrir nos débats. Et cette contribution est aussi notre apport au nécessaire débat à conduire avec nos partenaires de gauche et écologistes pour construire concrètement la « France d’Après ».
Dans cet article, vous retrouvez la contribution de l’Atelier Education.
I- École primaire, l’égalité des chances à l’école et ce dès l’école maternelle
La crise du COVID 19 a eu un impact considérable sur l’éducation, et notamment celle des plus jeunes. Si cette crise n’a pas révélé de nouveaux problèmes dans notre système scolaire, elle a en revanche considérablement exacerbé les problèmes d’inégalité sociale dans l’éducation.
Actuellement, l’école tente d’accroître le capital socioculturel des jeunes défavorisés. Or, un enfermement de plusieurs longues semaines impacte lourdement les élèves socialement plus démunis.
De surcroît, les élèves défavorisés sont généralement ceux qui connaissent les conditions de vie les plus rudes : logement surpeuplé, voire insalubre, sans espace individuel où l’enfant puisse étudier. Les familles n’ont que rarement accès à un ordinateur, ou à Internet. L’achat d’une imprimante est inenvisageable pour ces familles, sans parler des onéreuses cartouches d’encre.
La continuité pédagogique est pénalisante pour tous ces enfants défavorisés, qui n’ont justement pas accès aux enseignements. De plus, la relation avec les parents qui endossent par la force des choses le rôle de l’enseignant est parfois pesante pour eux, comme pour leurs parents. Comment ces derniers peuvent-ils être en télétravail, et suivre les leçons des enfants ? Avant le CM1, les enfants ne sont pas autonomes face aux devoirs. Comment justifier que des écarts se creusent entre enfants, écarts justement proportionnels au temps que les parents peuvent accorder à l’apprentissage des enfants, et pas seulement dus aux difficultés des enfants.
N’oublions pas que l’école n’est pas uniquement le lieu de la transmission, mais qu’elle fournit également le terrain de la relation aux autres, des émotions et des interactions, qui sont primordiales pour mémoriser, oser, chercher et s’exprimer. Comment les enseignants peuvent-ils s’adapter aux élèves, sans ces interactions ?
Il n’existe aujourd’hui aucune plateforme sécurisée dédiée à l’enseignement à distance. La création d’outils qui pourraient être utilisés quotidiennement en classe et a fortiori lors de crises devra être pensée pour mettre à la disposition des enseignants des outils, et les former à leur utilisation.
II- Pour un lycée universel qui ouvre tous les possibles avec réalisme
Aujourd’hui, une nouvelle réforme du lycée est indispensable, à cause du désastre des réformes du lycée professionnel et du lycée général de Blanquer. Ces deux réformes augmentent les inégalités territoriales, sociales ou fondées sur le genre.
Le système éducatif français élime progressivement en se fondant sur le niveau acquis en compétence littéraire. La prise en compte du niveau en mathématiques ne se pose que pour les 40 % de rescapés qui arrivent au lycée général. Le nouveau lycée de Blanquer ne résout en rien cette question, intrinsèque au besoin de diversité de parcours.
Les réformes précédentes du lycée général :
- ignoraient le lycée professionnel et le lycée technologique, alors qu’il fallait considérer toute la cohorte, avec la diversité des élèves, sans éliminer les 60 % les plus faibles en français,
- ignoraient quel était le besoin de l’enseignement supérieur, du point de vue de l’acquisition des outils de logique, et de la maîtrise de certains outils mathématiques.
Il est proposé une nouvelle vision du lycée, qui prend en compte la réalité, avec lucidité :
- La diversité des acquis des élèves qui entrent au lycée en 2nde,
- La diversité des envies des élèves,
et qui reconnaisse :
- Que le niveau acquis en « expression écrite » et en « maths » sont les acquis structurants pour la suite des études et il faut que les conséquences soient lisibles,
- Que la maîtrise de la logique de la population du pays sera la garante des bons choix écologiques et économiques, car elle seule permettra de repérer les affirmations scientifiques fausses,
- Que la langue de communication internationale est le « plain English »,
- Que l’orientation se fait par essai-erreur en explorant des domaines, et en choisissant le niveau atteint sur les compétences structurantes,
- Que le « bachotage » fait partie intégrante du processus de mémorisation des connaissances,
- L’importance du groupe classe pour le développement de la confiance en soi,
- La diversité des contextes liés au territoire.
Ceci dans un contexte où enseignants et enseignantes sont épuisés par les réformes successives. Pour être adaptée, la réforme doit être progressive, afin que, dans un premier temps, le lycée connaisse des programme proches, le plus possible, des programmes d’aujourd’hui, ou d’avant les réformes Blanquer.
1- Contexte
En France, au moins sur le papier, l’école est unique, inclusive, et rassemble tous les enfants qu’une classe d’âge jusqu’au dernier niveau du collège (la classe de 3ème).
Ensuite, l’élève doit choisir entre une multitude de parcours, en ayant plus ou moins de choix selon son lieu d’habitation. Certains parcours ont un nombre de places limité, en particulier au lycée professionnel. Certains parcours ont également un niveau d’exigence en « expression écrite » qui empêche la réussite de ceux ayant des lacunes dans les matières littéraires. Tous les systèmes d’éducation du monde proposent une diversité de parcours au plus tard après 15-16 ans. Ce n’est pas un hasard. C’est lié aux étapes de la maturité de l’espèce humaine.
2- Le lycée universel
Le lycée universel proposé a 5 blocs :
– Le tronc commun : EPS, anglais de communication internationale, EMC (enseignement moral et civique)
– Le parcours d’expression littéraire : français, histoire-géo, sociologie – 3 parcours au choix :
- Parcours de base PELb (programme des filières pro d’avant Blanquer),
- Parcours niveau 1 PEL1 (programme des filières technologiques),
- Parcours niveau 2 PEL2 (programme des filières générales).
– Le parcours « mathématiques » – 3 parcours au choix :
- Parcours de base PMb, qui comprend également les basiques de sciences (parcours cadré pour les futurs professeurs des écoles qui ont choisi la voie littéraire),
- Parcours niveau1 PM1 (programme adapté de SES et des STI2D, pour ceux qui ont besoin des outils mathématiques),
- Parcours niveau 2 PM2 (programme adapté de S, pour ceux qui veulent approfondir la logique mathématique).
– Une dominante qui permet d’approfondir un seul domaine dans toutes ses dimensions.
Par exemple (SES, Physique-chimie-SVT, Technologie industriel, etc…, plomberie).
– Le projet personnel
Un nombre d’heures obligatoire est réservé au projet personnel de l’élève. Il peut s’agir d’une langue étrangère ou une langue ancienne, d’une formation à distance (professeur en université), du développement d’un projet personnel, etc. Tout cela est à développer. Ce projet fait l’objet d’une présentation orale.
La dominante choisie n’est pas structurante pour la suite des études.
A partir du moment où l’élève aura maîtrisé une dominante, il aura acquis la capacité de construire sa connaissance autour de fondamentaux d’une autre dominante, par comparaison. En apprenant les fondamentaux de cette autre dominante, il aura les bases pour suivre des études supérieures liées à cette dernière, en la travaillant un peu plus que les autres. Ce n’est pas le cas s’il ne maîtrise pas l’expression littéraire ou la logique scientifique et qu’il se dirige vers une formation supérieure qui utilise ces compétences. Ce qui explique leur caractère structurant.
3 – Le baccalauréat
Contrairement à ce qui a été communiqué par la technostructure, le bachotage fait partie du processus d’apprentissage. C’est la réutilisation d’un mot, d’une idée qui permet d’en assurer la connaissance sur le long terme : lorsqu’on acquiert une nouvelle connaissance, l’attention l’assied dans la mémoire courte, puis des révisions et des réutilisations sont nécessaires pour l’ancrer dans la mémoire longue.
Aussi l’examen final du baccalauréat doit-il être rétabli. L’argument de l’imprécision de la notation ne tient pas. En effet, il suffit d’avoir un nombre suffisant d’épreuves de type littéraire et de construire les devoirs de type scientifiques de manière à diminuer les aléas de notation. Ainsi, l’incertitude liée aux correcteurs devient acceptable et moindre qu’avec un contrôle continu local.
L’absence actuelle d’examen final commun risque de faire fleurir des officines privées payantes, offrant des mesures du niveau, comme c’est le cas aux Etats-Unis. Pour maximiser son résultat, il faudra aller les préparer les examens dans des écoles privées.
III- Vers des grandes écoles multiculturelles et ouvertes à la diversité, qui garantissent l’égalité des chances
La France a initié un travail de réflexion sur la formation de ses élites. Les grandes écoles y participent activement et font évoluer progressivement leurs pratiques et leur philosophie. L’ouverture sociale et l’égalité des chances concernent la société dans son ensemble. La diversité constitue un avantage concurrentiel de taille face à un monde globalisé et de plus en plus complexe, où l’hétérogénéité des profils a été identifiée comme source d’innovation et de performance.
Si la méritocratie constitue le système le moins injuste, encore doit-elle trouver les conditions dans lesquelles se mettre en place. La remise en marche de l’ascenseur social nécessite d’agir à tous les niveaux du parcours scolaire, de la classe maternelle jusqu’au cycle supérieur, ce à quoi doivent travailler conjointement les pouvoirs publics, les grandes écoles et les universités.
L’ouverture sociale et l’égalité des chances doivent garantir l’accueil des étudiants issus de toutes les couches sociales, et promouvoir l’égalité des chances, en aidant chaque jeune à trouver sa voie et à donner toute sa mesure pour atteindre l’excellence, quels que soient son origine, son origine sociale, son genre, son autonomie physique, etc. Une égalité de résultats, là où l’égalité de moyens, fondée sur le Droit, se révèle insuffisante pour assurer aux jeunes
les mêmes chances de succès.
Nous proposons des actions ciblées inscrites dans une démarche globale. Il faut :
- poursuivre les efforts initiés par les grandes écoles, qui diversifient leurs modes de recrutement, l’accompagnement pédagogique et financier des étudiants issus de l’ouverture sociale,
- agir en amont, en donnant à chaque jeune les moyens de construire son projet personnel et professionnel, indépendamment de sa situation familiale et en augmentant le vivier de boursiers candidats aux grandes écoles et aux autres filières de l’enseignement supérieur,
- faire connaître à ces jeunes, que le milieu familial éloigne de l’enseignement supérieur, l’existence des filières d’excellence, ainsi que les clés pour y accéder et y réussir (voies de recrutement, entraînement aux concours, financements possibles des études, accompagnement pédagogique spécifique, confiance en soi, conscience de son potentiel, etc.),
- faire accéder les jeunes que ces milieux éloignent des études supérieures à un sentiment de légitimité à poursuivre leurs études, en luttant contre l’autocensure personnelle, familiale voire pédagogique,
- diversifier, en en multipliant les modes, les voies de recrutement et les adapter à la diversité des jeunes, et à la création de nouvelles filières d’entrée,
- proposer un accompagnement pédagogique aux populations les plus fragiles (remise à niveau, complément de formation, et suivi individuel),
- proposer un accompagnement financier, en développant l’apprentissage, les aides sociales, les bourses issues de la solidarité etc.
L’ouverture sociale doit se généraliser et s’intensifier au sein des grandes écoles, ce que soutiendront une refonte sociétale et politique durable de la formation et de l’éducation nationale).
Atelier Education
Coordinatrice : Sophie El Shewey & Chakib Bouallou
Participant·e·s : Véronique Ezratty, Louise Kaiser, Thomas Di Contanzo, Raoul Marmoz