Depuis le 1er janvier 2022, la France exerce à nouveau la Présidence du Conseil de l’Union Européenne : à ce titre, elle ambitionne de porter un certain nombre de priorités pour les 6 mois à venir.
Le Président de la République française souhaite en 1er lieu promouvoir une « Europe souveraine » : cela passe, selon lui, par :
i) un meilleur contrôle des frontières internes et externes de l’UE via une énième réforme de l’espace Schengen,
ii) un approfondissement de l’Europe de la Défense via la définition d’orientations stratégiques communes de l’UE,
iii) la stabilité et sécurité du voisinage de l’UE, en particulier celle de l’Afrique et des Balkans occidentaux.
Le Président Macron souhaite par ailleurs définir un nouveau modèle européen de croissance, fondé sur :
i) une souveraineté technologique de l’UE tirée par un marché numérique européen,
ii) une ambition réaffirmée dans la lutte contre le réchauffement climatique, dont il convient d’accélérer les mesures d’application, notamment via la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières extérieures de l’UE ou l’application d’une réciprocité en matière de respect des normes environnementales dans les échanges de l’UE avec l’extérieur, dans le cadre de ses accords commerciaux,
iii) des salaires minima et la réduction de l’écart des salaires entre femmes et hommes.
Enfin, le Président français souhaite soutenir la démocratie européenne via la conclusion de la Conférence participative sur l’avenir de l’Europe et la réaffirmation des principes de l’Etat de droit sur lesquels reposent la construction européenne.
On ne peut que souscrire à l’ambition de l’affirmation de l’UE et de ses valeurs à l’échelle internationale, mais l’UE doit d’abord s’appuyer sur les outils à sa disposition, que sont les compétences qui lui ont été attribuées à ce jour par ses Etats membres au fil des traités européens, sans se complaire dans des déclarations incantatoires non suivies d’effets, ce qui exaspère les citoyens européens.
Cela commence par sa compétence exclusive en matière de politique commerciale : à ce titre, elle peut opposer un principe de réciprocité dans ses échanges commerciaux avec les pays tiers, y compris, par extension, sur le plan des normes sociales et environnementales, tant que cela ne revient pas à entraver les importations de pays en développement, qui ne sont pas responsables du réchauffement climatique.
L’UE doit également montrer l’exemple : l’Etat de droit doit être préservé en son sein avant de prétendre le porter au-delà de ses frontières. Ainsi, la volonté politique doit être sans faille lorsque des atteintes à nos valeurs et principes sont constatées au sein de ses Etats membres et la conditionnalité du versement de fonds européens va dans le bon sens.
De même, l’UE doit progresser dans le traitement des flux migratoires extérieurs (rappelons que l’UE n’a pas, par nature, de frontières intérieures). Au-delà d’une politique commune en matière de droit d’asile, l’UE doit mieux traiter les candidats à l’immigration. Cela passe sans doute par la définition de quotas d’immigration légale, même temporaire (saisonnière), à l’échelle de l’UE, sur la base des besoins exprimés par les Etats membres. Il convient également de faire preuve de beaucoup plus de solidarité, en termes de ressources financières et humaines, avec les Etats membres qui sont en 1ère ligne car représentant la frontière extérieure de l’UE. Cette stratégie défensive présente cependant une efficacité limitée ; elle doit être complétée par une politique d’aide au développement des pays d’émigration sous peine de condamner l’UE durablement au statut de « forteresse assiégée ».
Dans le cadre des compétences partagées ou d’appui de l’UE, les Etats membres doivent accompagner les efforts de coordination de l’UE et renforcer leur coopération, que ce soit en matière de santé publique ou de lutte contre la concurrence et l’évasion fiscales, de recherche et développement ou de stratégie industrielle à l’échelle européenne, au-delà du seul secteur du numérique, garante d’une plus grande autonomie et donc puissance de l’UE.
Tels sont les ressorts d’une véritable souveraineté européenne, au service des citoyens européens, qui devraient être mis au cœur des priorités de « la France d’après » pour l’UE.
Philippe BERREE