Le Conseil constitutionnel rappelle sévèrement à l’ordre le Gouvernement sur la loi définitivement mal nommée pour une sécurité globale et préservant les libertés en censurant totalement ou partiellement pas moins de 7 articles dont les dispositions les plus emblématiques de ce texte et en assortissant plusieurs articles de la loi de réserves d’interprétation.
Cette décision démontre la faille originelle qui caractérise un texte qui n’aurait jamais dû relever d’une simple proposition de loi au regard des enjeux de libertés publiques qui sont en cause. Nous avions dénoncé l’impréparation du Gouvernent et de la majorité présidentielle dans ce débat qui aurait mérité une expertise plus approfondie et un large débat public préalable.
La loi étendait de manière significative les compétences des polices municipales en leur transférant, de fait, l’exercice de pouvoirs régaliens alors qu’elles sont chargées principalement d’assurer la protection de l’ordre public municipal. Nous avions alerté sur les risques de confusion et d’insécurité juridique dans le domaine des libertés publiques auxquelles pouvait conduire l’envoi direct des PV au procureur de la République par les chefs de service et les directeurs de police municipale sans passer par le filtre de l’OPJ. Le Conseil constitutionnel a rappelé à juste titre que le fait de confier des pouvoirs généraux d’enquête criminelle à ces derniers qui relèvent des autorités communales n’est pas conforme à l’article 66 de la Constitution. Dont acte.
La décision du Conseil constitutionnel sur les dispositions relatives à la vidéoprotection et à la captation d’images montrent également les limites de l’exercice auquel s’est prêté le Gouvernement.
Nous nous sommes opposés aux dispositifs relatifs à la création ex nihilo et à l’encadrement des régimes légaux intéressant l’usage des drones et des caméras embarquées dont le recours en matière de sécurité publique bouleverse les conceptions classiques de surveillance des personnes. Le Gouvernement n’a pas tenu compte de nos interrogations en matière de libertés publiques, qu’il s’agisse de leur extension à la police municipale, de l’information du recours à cette nouvelle technologie, de son application lors des manifestations, et plus généralement du respect des libertés individuelles. Le Conseil constitutionnel a censuré d’un trait la mise en œuvre de ces systèmes de surveillance en rappelant explicitement qu’ils ne sont pas de nature à sauvegarder le droit au respect de la vie privée. Dont acte.
Dans ce cadre, le Conseil constitutionnel a également limité le champ des images prises sur la voie publique par les systèmes de vidéosurveillance auxquelles peuvent accéder les policiers municipaux, ainsi que l’usage des caméras piétons par les forces de l’ordre nationales et municipales pour que soient garantis leur effacement, l’intégrité des enregistrements réalisés ainsi que la traçabilité de leur consultation.
Cette décision du Conseil constitutionnel nous renforce dans notre opposition à l’évolution de la doctrine d’emploi des caméras-piétons qui vont devenir des accessoires du maintien de l’ordre public alors qu’elles avaient pour objet initial de sécuriser les agents, d’apaiser les relations entre la police et la population et de lutter contre les contrôles d’identité abusifs.
Le Conseil constitutionnel censure l’encadrement de la vidéoprotection des cellules de garde à vue et des chambres d’isolement des centres de rétention administrative, introduit à la dernière minute par le Gouvernement au Sénat. Outre le fait que cette disposition aurait mérité un avis préalable de la CNIL, elle témoigne des dérives que porte cette loi qui introduit dans le droit commun des mesures exceptionnelles spécifiques à la lutte contre le terrorisme. A cet égard, le Conseil constitutionnel a soulevé de nombreuses réserves d’interprétation sur les pouvoirs conférés tant aux agents municipaux qu’aux agents privés de sécurité, qu’il s’agisse des fouilles dans les périmètres de protection et les missions de surveillance aux fins de prévenir les actes de terrorisme.
Le sort réservé par le Conseil constitutionnel au sinistre article 24 (devenu article 52) témoigne que la mobilisation contre cette disposition, en dépit d’une réécriture technique opérée par le Sénat, était totalement justifiée. Son imprécision laissait entière la menace contre la liberté de la presse. Espérons que le Gouvernement saura à quoi s’en tenir lorsque l’Assemblée nationale examinera en nouvelle lecture l’article 18 du projet de loi renforçant le respect des principes de la République.
Enfin, la censure de plusieurs cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel nous conforte dans l’idée que cette loi qui avait initialement pour seul objectif d’anticiper la mobilisation des forces de sécurité, nationales, municipales et privées dans la perspective de l’organisation de la Coupe du monde de rugby de 2023 et des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est devenue un texte fourre-tout.
Cette loi, examinée à contretemps entre le livre blanc de la sécurité intérieure publié en novembre 2020, le Beauvau de la sécurité, mis en œuvre à la demande du président de la République en décembre dernier et la future loi de programmation sur la sécurité dont le dépôt au Parlement est envisagé en fin d’année, témoigne de ce qui ne faut pas faire en matière de bonne législation.
Elle manque totalement sa cible car elle ne favorisera en rien le rétablissement de la confiance des citoyens dans les forces de sécurité.
En censurant les nombreuses dérives contenues dans cette loi, le Conseil constitutionnel limite les dégâts et nous rappelle qu’il est n’est pas sans risque de faire de la sécurité publique un sujet clivant et de division entre les Français à l’approche d’échéances électorales importantes.