Ce 21 février 2024 a marqué l’Histoire avec l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian et de son épouse et partenaire de lutte, Mélinée. Il y a 80 ans, le 21 février 1944, 22 résistants communistes étrangers du “groupe Manouchian”, étaient fusillés au Mont-Valérien par les nazis. Beaucoup d’entre eux étaient juifs. Olga Bancic, la seule femme du groupe, fut guillotinée en Allemagne le 10 mai.
Aujourd’hui, alors que l’extrême-droite tente de banaliser son image avec la volonté de prendre le pouvoir, leur combat reste le nôtre.
Missak Manouchian, un Arménien qui a donné sa vie pour la liberté
Missak Manouchian, né en 1906, est devenu orphelin et apatride à la suite du génocide arménien. Il est alors réfugié au Liban avant de choisir la France, comme terre d’accueil, rempli d’espoir et épris de poésie, en 1924. Il suivra des cours de littérature, de philosophie, d’économie politique et d’histoire en auditeur libre à la Sorbonne.
Ouvrier (il a notamment travaillé à l’usine Gévelot de la Société française de munitions à Issy-les-Moulineaux, puis aux usines Citroën), il adhère naturellement en 1934 au Parti communiste français, qui était alors très actif auprès des milliers de travailleurs immigrés affectés aux usines et aux mines. C’est aussi à travers son engagement politique qu’il rencontre Mélinée, de 6 ans sa cadette, également rescapée du génocide des Arméniens. Leur parcours se ressemblent, ils partagent le même idéal. Ils se marieront le 22 février 1936.
Communiste, étranger (ses 2 tentatives de naturalisation seront rejetées – dont la première déposée à Chatenay-Malabry où il a vécu de décembre 1931 à septembre 1933), il s’engage dans la Résistance.
C’est en 1943 qu’il intègre les Francs-tireurs et partisans (FTP) de la MOI (Main-d’œuvre immigrée). Son courage et ses qualités dans l’organisation et la mise en œuvre d’actions de sabotages et d’assassinats lui font rapidement prendre le commandement de l’organisation. En novembre 1943, il est arrêté, condamné à mort avec 22 de ses camarades le 18 février, puis fusillé le 21, à 37 ans. Mélinée, sera quant à elle cachée par les Aznavourian, les parents de Charles Aznavour.
La reconnaissance du rôle joué par les étrangers dans la Résistance française
Missak Manouchian devient le premier résistant étranger et communiste à intégrer l’illustre temple mémoriel. Son nom et son visage ont été immortalisés avec 9 de ses camarades par l’Affiche rouge, réalisée par les nazis pour faire un exemple de ce “terroriste” arménien et de ses compagnons d’armes juifs polonais et juifs hongrois, entre autres. Pourtant, ces hommes et cette femme sont devenus des symboles de tous ces étrangers qui ont prouvé leur loyauté et leur attachement envers ce qu’ils considéraient comme le pays des Lumières et des droits de l’Homme : une terre de liberté à préserver. D’ailleurs, comme un ultime symbole de son attachement à son pays d’adoption, Missak Manouchian a signé de son prénom français, Michel, sa lettre de condamné à mort.
Missak Manouchian est mort pour la France. Son désir était de vivre pour la France, avec Mélinée, mais dans un contexte où le système nazi prônait la haine, le rejet de l’autre pour ses origines, ses convictions religieuses ou politiques, et son orientation sexuelle, il s’engagea dans la résistance face à la peste brune, à la peur, à l’humiliation, à la pression, y compris sous la torture.
Missak Manouchian, un combat en héritage
La panthéonisation du 21 février 2024 a démontré une nation unie, délivrant un message fort, une fraternité universaliste, symbole de l’idéal républicain français. Dès lors, comment ne pas réaliser que cette cérémonie arrive alors même que la loi immigration restreint les droits des étrangers, que le droit du sol est remis en question, que le droit d’asile est de plus en plus empêché et que l’extrême-droite s’achète une image et grimpe dans les intentions de votes ?
Nous devons nous souvenir et nous inspirer du combat de Missak, de Mélinée et des camarades célébrés. La nationalité française, ils ne l’ont pas héritée, ils l’ont méritée au prix de leur sang. Ils ont résisté à tout prix à l’extrémisme et à un système basé sur la haine et le rejet.
C’est à nous désormais, camarades socialistes, de Gauche, républicains, de défendre cet héritage. Leur combat reste le nôtre, 80 ans plus tard. Il est essentiel que nous en soyons dignes dans nos actions et notre détermination à ne rien laisser passer. Pour ne jamais oublier, et agir pour « plus jamais ça ».