Par Florence Blatrix-Contat, Sénatrice de l’Ain, Secrétaire nationale du Parti Socialiste aux comptes publics et Brice Gaillard, Secrétaire national du Parti Socialiste aux finances publiques et 1er Secrétaire Fédéral du Partie Socialiste des Hauts-de-Seine
Lire cette tribune sur La Tribune
Trois Premiers ministres se sont succédé en quelques mois, chacun épuisé par la tentative de poursuivre une politique qui échoue depuis 2017 à répondre aux besoins du pays. Cette succession illustre l’impasse de gouvernements incapables de compromis et sourds aux nouveaux équilibres de l’Assemblée nationale.
Par obstination, le Président de la République nous entraîne dans une impasse budgétaire, ignorant les appels aux compromis et laissant le dogme l’emporter sur le partage de l’effort entre le capital et le travail, un équilibre pourtant essentiel à l’intérêt général.
Face à ce constat, il est tentant de se laisser distraire par les annonces ponctuelles, l’« arbre », mais il faut garder les yeux sur la « forêt ». Les conditions structurelles de préparation et d’examen du projet de loi sont profondément dégradées. Contrainte par le temps et marquée par une situation politique inédite sous la Vème République, cette loi de finances ne permettra ni une vision à long terme ni une réponse durable aux besoins de financement du pays.
Cette situation n’est pas nouvelle. Depuis plusieurs années, le Parti socialiste alerte sur une dérive structurelle. La construction des lois de finances, centrée presque exclusivement sur la limitation des dépenses et enfermée dans la logique de l’annualité budgétaire, empêche toute projection crédible dans le temps et rend impossible l’anticipation des besoins de financement à moyen terme, pourtant essentiels pour la Nation.
Deux exemples suffisent pour comprendre l’ampleur du problème : malgré la création d’un secrétariat général à la planification écologique, aucune trajectoire de financement crédible n’a été définie. De même, aucun cadre durable ne permet de préparer l’explosion des coûts liés à la dépendance, alors que la pression financière ne fera que croître dans les années à venir.
Dans ce contexte, le rôle du Parlement et de l’opinion publique est crucial. La droite, fidèle à sa stratégie, continuera de réduire les moyens publics pour mieux en dénoncer ensuite l’impuissance de l’État. Mais un changement politique majeur mérite d’être souligné : le Parti socialiste, à travers son contre-projet présenté fin août, a remporté la bataille de l’opinion. Les Françaises et les Français expriment désormais un impératif clair : un rééquilibrage de la pression fiscale.
C’est ici que se joue le véritable choix politique. Face à une droite qui prône le « moins d’impôts », autrement dit la réduction de la capacité d’action de l’État, nous défendons le principe d’un « mieux d’impôts ». Ce « mieux » n’est ni punitif ni confiscatoire. Il repose sur une contribution accrue des plus aisés et des grandes entreprises. L’objectif est simple : redonner à l’impôt sa progressivité, que la politique d’Emmanuel Macron a méthodiquement affaiblie. En privilégiant le capital sur le travail, en supprimant l’ISF et en instaurant la flat tax, le macronisme a accentué les inégalités, tout en orchestrant une baisse globale de 62 milliards d’euros de recettes fiscales par an.
Le constat est clair, sans contribution des ultrariches et des grandes entreprises, aucun compromis social durable n’est possible. Les classes populaires et moyennes ne peuvent supporter seules le poids du désendettement. Il a un instant semblé que la réforme fiscale pouvait s’inscrire dans l’équité, tant le soutien à la taxe Zucman fut massif et transpartisan. Mais la pression des grandes fortunes, relayée par des prises de position publiques de figures économiques majeures, a mis fin à tout espoir de compromis. Leur message est limpide : préserver leurs privilèges prime sur l’intérêt général. La droite et ses alliés politiques, y compris le Rassemblement national dans le champ de l’ultra-richesse, s’inscrivent dans cette logique, garantissant que les mesures fiscales resteront faibles et injustes.
Le projet de loi de finances 2026 ne peut se limiter à un exercice technique, ni se perdre dans une suite de compromis imparfaits. Il doit poser les bases d’un financement durable de l’action publique et d’une réorganisation claire des priorités nationales. Le Parti socialiste dispose de nombreuses propositions pour y parvenir. Mais pour ne pas nous en tenir à l’arbre qui cache la forêt, nous appelons à l’organisation d’un grand débat public national sur la fiscalité et son allocation. Ce débat est indispensable car il permettra de définir collectivement nos priorités, d’assurer la justice fiscale et de construire un État capable de financer ses ambitions, protéger ses citoyens et préparer l’avenir.
La bataille politique et parlementaire pour le projet de loi de finances 2026 ne fait que commencer. Elle doit être l’occasion de choisir entre deux logiques : celle d’un État affaibli et soumis aux intérêts des plus riches, ou celle d’un État fort, juste et capable de planifier l’avenir. Le Parti socialiste est prêt à défendre ce choix avec constance, lucidité et responsabilité.