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Mémoire militante socialiste dans les Hauts-de-Seine 1964-1968 – Situation politique

La Fédération des Hauts-de-Seine du Parti Socialiste a entrepris de rédiger un ouvrage sur le Parti Socialiste dans ce département né entre 1964 (date de publication de la loi qui réorganise la Région parisienne) et 1968 (mise en place des structure administrative de la nouvelle collectivité). 

L’article poursuit ce travail, retraçant la situation politique du département.

Michel Canet et Romain Gallea

Coordinateurs de l’ouvrage « Mémoire militante »


Naissance des Hauts-de-Seine – Situation politique du département

Municipale
Les élections municipales de 1965 sont les premières de ce nouveau département né en 1964, même si la nouvelle collectivité n’est pas encore totalement installée. Ces élections se déroulent dans un contexte national particulier, c’est l’année de la première élection présidentielle au suffrage universel, et la gauche s’est unie derrière la seule candidature de François Mitterrand.

Cette volonté de rassemblement impacte nécessairement les élections municipales à gauche. Bien avant l’évolution vers la stratégie de rassemblement mis en œuvre avec le parti d’Epinay, la question de pose : l’abandon des majorités « Troisième force » SFIO/MRP ou un rapprochement avec le parti communiste.

Cette question émerge dans les villes du nouveau département des Hauts-de-Seine. L’accord SFIO/PCF suscite beaucoup de réticence dans les viles ayant des municipalités socialistes. L’exemple de Châtenay-Malabry est, à cet égard, révélateur. La municipalité est dirigée par un maire SFIO depuis l’élection de Jean Longuet en 1925 (Jean Longuet est le petit-fils de Karl Marx et l’un des fondateurs de la création de la SFIO en 1905), mais les municipalités sont de « troisième force » au lendemain de la guerre. En 1965, le maire Constant Mougard ne se représentant pas, trois listes se présentent à gauche : SFIO, PCF et PSU.

Au soir du 1er tour, ces listes de gauche représentent plus de 67 % des suffrages. Pourtant les socialistes préfèrent maintenir l’alliance avec le MRP au second tour. On peut lire dans la profession de foi de la liste SFIO/MRP du second tour : « seules les listes SFIO et MRP ont nettement progressé (au 1er tour, par rapport à l’élection de 1959). Vous avez ainsi créé cette troisième force indispensable à l’équilibre politique aussi bien Communal que National ». Cette liste est élue au second tour. On pourrait aussi prendre d’autres exemple : à Puteaux où Georges Dardel refuse l’alliance avec les communistes, ce qui valut lui l’hostilité du PCF lors de l’élection à la présidence du conseil général en 1967 ; à Boulogne ou Antony où sont élus des « socialistes indépendants ».

Au total, la gauche dirige 17 des 36 municipalités du département en 1965. Les communistes sont les plus nombreux : Bagneux, Châtillon, Colombes, Gennevilliers, Le Plessis Robinson, Levallois, Malakoff et Nanterre. Sept municipalités sont dirigées par des maires SFIO : Gabriele Ausserré à Chaville, André Mignon à Châtenay-Malabry, Georges Levillain à Clichy, Maurice Dolivet à Fontenay-aux-Roses, Bonaventure Leca à Issy-les-Moulineaux, Georges Dardel à Puteaux et Robert Pontillon à Suresnes. A Antony et Boulogne, les maires sont élus sous l’étiquette « socialiste indépendant » : Georges Suant et Alphonse Le Gallo ; à Garches, maire parti radical.

Les autres villes se répartissent ainsi : le parti gaulliste, UNR, 5 (Asnières, Bois Colombes, Meudon, Neuilly et Vanves). Le MRP 4 (Clamart, Saint Cloud, Sèvres et Villeneuve), Divers droite 9 (Bourg la Reine, Courbevoie, La Garenne Colombes, Marnes la Coquette, Montrouge, Rueil Malmaison, Sceaux, Ville d’Avray, Vaucresson).

Cantonales

Les élections cantonales de 1967 montraient une assez forte poussée du parti communistes, qui obtient au 1er tour, et au niveau national, 26.4%, ceci avec une abstention élevée (42,7%). La « percée » communiste est particulièrement marquée dans les nouveaux départements de la région parisienne.
Dans les Hauts-de-Seine, l’élection cantonale confirme l’implantation de la gauche constatée à l’élection municipale. Le nouveau conseil général se compose de 20 conseillers généraux de gauche : 15 communistes (dont 9 sont élus au 1er tour), 5 SFIO et 1 « socialiste » indépendant. La droite, principalement UDR, obtient 19 sièges.

Les élus socialistes sont : Gabriel Ausserré (canton de Chaville), Georges Levillain (canton de Clichy), Georges Langrognet (canton de Meudon), Georges Dardel (canton de Puteaux) et Robert Pontillon (canton de Suresnes), auquel on peut ajouter Georges Suant à Antony.

Malgré ce bon résultat de la gauche, l’élection du président du nouveau conseil général des Hauts-de-Seine est une déconvenue (Pierre Viansson-Ponté, 26 septembre 1967 et André Passeron, 5 octobre 1967, Le Monde).
Après le vote acquis en faveur de Jean-Pierre Lagravère, conseiller Centre Démocrate de Colombes, pour la présidence du nouveau conseil général, Guy Ducoloné, qui avait été candidat à la présidence pour les communiste déclarent « En fonction des accords passés entre le parti communiste et la Fédération de la gauche, nous avions fait la proposition suivante : bien qu’ayant le plus fort groupe, les communistes acceptent que la présidence du conseil général soif assurée par un élu socialiste, à la seule condition que cet élu n’ait pas bénéficié du soutien de l’U.N.R. Nous sommes persuadés que la réalisation d’un tel accord aurait permis de dégager une majorité au conseil général. Nous regrettons que cette proposition n’ait pas été acceptée. « 

On mesure l’opposition entre socialistes et communistes. Si ces derniers acceptent une présidence socialiste, ils n’acceptent pas la candidature de Georges Dardel, maire et conseiller général de Puteaux, qui avait refusé l’alliance avec le PCF lors de l’élection municipale. Les communistes suggéraient la candidature de Robert Pontillon, maire et conseiller général de Suresnes qui avait des communistes dans con conseil municipal. Faute d’accord, au troisième tour de scrutin, Jean-Pierre Lagravère, centre démocrate, sera élu avec 20 voix contre 15 à Guy Ducoloné et 5 à Georges Dardel qui avait maintenu sa candidature (André Passeron, 6 octobre 1967, Le Monde).

Législative

Dès sa création, le département est divisé en 13 circonscriptions. Le découpage initial restera stable jusqu’en 1986 avec l’instauration du scrutin proportionnel. Le retour au scrutin majoritaire en 1993 maintient les 13 circonscriptions mais redessine leur territoire.

• Législative 1967

Les élections législatives de 1967 se déroulent pour la première fois dans le nouveau département. Lors de l’élection présidentielle de 1965, la gauche s’était rassemblée derrière la candidature de François Mitterrand. Dans quel contexte allait se présenter l’élection législative à gauche ? (Voir l’excellente analyse de François Goguel, Les élections législatives des 5 et 12 mars 1967, in : Revue française de science politique, 17ᵉ année, n°3, 1967. pp. 429-467).

Dès 1966, les forces politiques s’organisent :

• Les gaullistes se rassemblent au sein du « comité d’action pour la Cinquième République » (Ce comité créé au printemps 1966 regroupe UNR-UDT, républicains indépendants, gaullistes de gauche, personnalités du Centre démocratique) et décident de présenter un candidat unique dans chaque circonscription.
• Autre composante de la présidentielle, le Centre Démocrate de Jean Lecanuet fait cavalier seul, ne concluant aucun accord avec quelques formations politiques (Il décide cependant de retirer ses candidats au 2ème tour, lorsqu’ils n’auront aucune chance de l’emporter, pour faire échec au PCF ou à la majorité sortante).
• A gauche, l’unité de la présidentielle se brise. Le parti communiste annonce ses propres candidatures dans toutes les circonscriptions tandis que les forces de gauche non communiste (SFIO, radicaux-socialistes, centre gauche, CIR, Convention des Institutions républicaines créée par François Mitterrand) se rassemblent au sein de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) animée par François Mitterrand. Le PSU, malgré quelques accords avec la FGDS, ne participe pas à ce rassemblement. Cependant, ces partis s’engagent (avec quelques réserves) au désistement pour le candidat arrivé en tête du 1er tour pour le second.

Avec plus de 80% de votants, le scrutin du 7 mars montre une forte participation nationale. Lors du 1er tour, les résultats traduisent une légère progression de l’opposition de gauche (+0.6 point), essentiellement en faveur du parti communiste, une progression de l’ensemble gaulliste (+1.9 point), une stabilité de l’extrême-droite et un recul un peu supérieur à 2.5 points des forces centristes et modérés.
Ces résultats donnèrent l’impression d’un échec de l’opposition de gauche et d’un succès garanti pour la majorité présidentielle ; impression démentie au second tour.

En métropole, les gaullistes (toutes sensibilités confondues) obtiennent 233 sièges contre 237 pour les « non gaullistes » (72 PCF, 116 Fédérés, PSU, Progrès et Démocratie moderne). Avec les élus d’Outre-Mer, la majorité présidentielle obtient, cependant, de justesse la majorité à l’Assemblée nationale. L’explication se trouve dans une baisse de la participation, un bon report de voix à gauche et, au contraire, un mauvais report en faveur du « comité d’action pour la Cinquième République ».

Dans les Hauts-de-Seine, la participation au 1er tour, avec 82,5 % de votants, est supérieure à la situation nationale. Les résultats confirment la bonne tenue de l’alliance gaulliste regroupée au sein de l’Union des Républicains de progrès (URP) , comme les bons résultats du PCF (comme aux élections cantonales). Par contre le résultat de la FGDS est faible, avec cependant un score élevé du PSU (Le PSU est présent dans 5 circonscriptions. Le résultat départemental résulte surtout du score d’Edouard Depreux dans la 12ème circonscription. Sans candidat de la FGDS, il obtient plus de 15% des voix). Il n’y a qu’un élu au 1er tour : Waldeck L’Huillier, PCF (1ère circonscription).

Au second tour, la participation est en recul de 3.5 points. L’alliance gaulliste progresse de 10% en voix et de 9 points en pourcentage. Les candidats communistes progressent de près de 40% en voix (+ 17 points) par rapport au 1er tour. Cependant ce résultat est trompeur : les candidats communistes ne font pas le plein des voix des autres candidats de gauche du 1er tour qui, se sont retiré ou désisté. Au total, le PCF obtient 5 sièges (1ère, 4ème, 7ème, 8ème et 9ème circonscription), UD V° obtient 7 sièges (2ème, 3ème, 6ème, 8ème, 9ème,10ème et 13ème circonscription), RI obtient 1 siège (5ème).

• Législative 1968

Les élections de 1968, après les événements de mai, renforcent la domination de la droite. La participation, au 1er tour, est équivalente à celle de 1967 avec 80% de votants. Communistes, centristes, candidats FGDS reculent (en voix comme en pourcentage). Le PSU présente des candidats dans toutes les circonscriptions et, seul, à gauche progresse. Au total, les communistes perdent deux sièges (4ème circonscription, élection de Charles Pasqua ; 12ème circonscription, Pierre Mazeaud), l’URP ayant 10 siègent.

Source 1 : Par Goultard59 — Députés élus (1968, Hauts-de-Seine).svg, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=116644414

Source 2 : Par Goultard59 — Hauts de seine 7 1968.svg, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=116644389

Conclusion
La situation politique du département, à sa création, montre un équilibre entre la droite et la gauche, tant à l’élection municipale de 1965 qu’à l’élection cantonale de 1967. Cette implantation de la gauche est incontestablement au profit des communistes (8 communes sur 17, 15 cantons sur 20) aux dépens des socialistes.

La situation est différente pour les élections législatives. La droite est largement majoritaire, plus encore en 1968 qu’en 1967. Les socialistes sont éliminés au profit des communistes. C’est la conséquence du découpage opéré pour ces élections.
L’implantation de la gauche (certes relative), communiste ou socialiste, vient du caractère industriel du nouveau département, avec une forte population ouvrière.

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